
Si le comportement des marchés accrédite l’absence de doutes sur ce scénario, la nouvelle hausse de l’or semble militer en faveur de la recherche d’une protection de la part des investisseurs.
25 Sep 2025 – 07:00 François Savary, Genvil SA
Avec la révision récente, à la hausse, de ses objectifs de croissance économique américaine, l’OCDE entérine un peu plus le sentiment dominant que l’économie US est sur le chemin d’un atterrissage en douceur de sa conjoncture. Ce faisant, l’organisation avalise l’idée que le ralentissement de l’activité mondiale devrait être contenu et temporaire dans une perspective à 6-12 mois.
Il est vrai que les statistiques américaines ne laissent pas apparaître de cassure significative dans le cycle économique outre-Atlantique. Le fléchissement observé sur le marché de l’emploi n’a pas vraiment interpellé les investisseurs sur la pertinence d’un consensus qui semble écarter toute alternative au scénario de «boucle d’or» qui s’est imposé sur les marchés.
La décision de la Réserve fédérale de reprendre son processus d’assouplissement monétaire a vite calmé les (faibles) doutes qui avaient pu apparaître dans le sillage des faibles chiffres de créations d’emplois depuis 3 mois et des révisions importantes (-918’000) sur les données passées.
En outre. les indicateurs avancés en Europe (indice PMI composite), qui ont atteint leur plus haut niveau depuis 16 mois en septembre – malgré un secteur manufacturier qui reste à la traîne -, peuvent conforter les «optimistes» sur l’avenir de la croissance mondiale, que les perspectives de l’OCDE semblent accréditer.
En économie, l’atterrissage en douceur est une sorte de Graal, souvent recherché mais rarement atteint, il ne faut pas l’oublier. Une constatation qui devrait peut-être nous conduire à une certaine circonspection sur la probabilité d’un tel scénario à devenir réalité, même si l’on peut être tenté par l’idée que cette fois les choses sont différentes.
Or, depuis quelques mois, le consensus autour du synopsis d’un fléchissement bref et contenu de la croissance économique, spécialement aux USA, n’a fait que se renforcer. L’excellent comportement des marchés boursiers depuis mai 2025 le confirme; de plus, la performance du mois de septembre indique que le «facteur saisonnier» négatif pour les actions n’a pas résisté face à la puissance de l’attrait du «goldilocks», jusqu’ici tout au moins.
Voir le consensus évoluer aussi largement dans un sens peut sembler étonnant, si l’on considère l’ampleur des incertitudes ambiantes. Intégrer les développements tarifaires, les risques associés à la croissance du shadow banking et/ou celle des actifs digitaux, par exemple, dans son appréciation des perspectives économiques n’est pas aisé. Et c’est sans parler des facteurs géopolitiques.
Dans ce contexte, il faut mettre en avant le retour sur le devant de la scène du métal jaune depuis quelques semaines. Nous avions parlé, le mois dernier, de notre vue concernant l’or et envisagé sa probable progression complémentaire à moyen terme. Le mouvement récent sur les prix nous donne raison même si sa rapidité et son ampleur ont été plus marquées que ce que nous escomptions. Désormais c’est bien la marque des 4000 dollars qui semble en ligne de mire.
Au-delà de ces considérations, nous voulons mettre en exergue le point suivant: si le comportement des bourses accrédite l’absence de doutes sur l’atterrissage en douceur de l’économie, la nouvelle hausse de l’or semble militer en faveur de la recherche d’une protection (safe haven) de la part des investisseurs. Etonnante évolution parallèle qui peut susciter des réflexions, surtout si l’on porte son regard sur le comportement décorrélé de ces deux actifs, lors de la correction du début d’année!
L’atterrissage en douceur de la conjoncture serait-il moins consensuel qu’il n’y paraît de prime abord? C’est possible mais ce n’est pas ce que je peux constater dans mes discussions avec de nombreux interlocuteurs.
Le reprise de l’or n’est-elle que l’expression d’une désaffection grandissante des investisseurs à l’égard du dollar? C’est fort probable. Mais alors, un affaiblissement abrupt du billet vert au cours des prochains mois ne porte-t-il pas en germe une détérioration plus marquée de la conjoncture?
Alors que l’indice phare des actions US ne cesse de voler de record en record, il est difficile de ne pas se laisser tenter par les sirènes de l’atterrissage en douceur de l’économie mondiale, qui apparaît comme une explication très crédible de la bonne performance des bourses. Depuis la décision de la Fed d’abaisser le loyer de l’argent, J.Powell ne cesse de marteler le message de la difficulté qu’il y a à jauger l’évolution de la conjoncture. Le consensus semble s’en moquer et il faut reconnaître que les données économiques restent de bonne qualité.
La question n’est pas de se positionner contre le consensus. La bonne démarche est de conserver à l’esprit qu’il existe des alternatives crédibles au Graal de l’atterrissage en douceur et qu’il ne faut pas les repousser d’un simple revers de la main. Partir du principe que cette fois les choses sont différentes, ce qui n’est pas impossible, ne constitue pas la meilleure attitude pour gérer les risques dans son portefeuille d’investissements.