Après un rallye estival, les bourses sont confrontées à des signes moins favorables
La période estivale a permis aux actions d’accélérer leur tendance haussière, initiée en mai.
Au-delà de l’adoption de la loi budgétaire US, le fait que la « nouvelle donne » commerciale voulue par D. Trump n’ait pas entrainé de contre-mesures en chaine est un facteur explicatif plus relevant du bon comportement des marchés boursiers.
La guerre commerciale a été évitée… mais le tarif effectif moyen mis en place par les USA n’est guère différent de ce que l’on pouvait déduire des annonces du 2 avril ! Les investisseurs ont privilégié la politique du verre à moitié plein : nous ne sommes pas entrés dans un cycle infernal de rétorsions tarifaires.
L’excellente saison des bénéfices aux USA et le retour en grâce des valeurs de la technologie (AI) ont évidemment soutenu la tendance, de même qu’un environnement plus serein sur la dette souveraine US et la réduction des spreads sur la dette d’entreprise.
Même la forte révision en baisse des chiffres de l’emploi au pays de l’Oncle Sam et le fléchissement de la demande privée domestique n’ont pas entamé l’enthousiasme.
Ces développements ont relancé les attentes d’un assouplissement monétaire imminent, auquel J. Powell a d’ailleurs ouvert la porte lors de son discours de Jackson Hole, à la fin du mois d’août.
Dans ce contexte, qui peut s’apparenter à une certaine euphorie boursière au regard de la nouvelle expansion des multiples (P/E), on doit mettre en exergue le fait que la hausse des actions, américaines en particulier, est le résultat d’un nombre restreint de valeurs.

« La baisse des taux par la Fed est intégrée dans les cours boursiers. »
FRANÇOIS SAVARY, CHIEF INVESTMENT OFFICER GENVIL SA
De plus, le recul important de la volatilité, tant sur les obligations que les actions, ne laisse guère de place à des événements imprévus.
Enfin, il faut relever la sous-performance récente des stratégies de momentum, qui pourrait préfigurer un rotation sectorielle sur les actions.
En d’autres termes, la perte de leadership des valeurs technologiques en faveur de titres plus défensifs ou offrant de la valeur pourrait indiquer une plus grande prudence des opérateurs à l’égard des bouses, dans l’avenir immédiat.
En juin, nous avions augmenté l’exposition des actions dans les portefeuilles, avec l’intégration d’un investissement diversifié sur le thème de l’énergie, élément essentiel à la révolution de l’intelligence artificielle, de plus en plus énergivore.
Alors que notre allocation en actions est globalement neutre, nous avons accru la diversification de nos positions hors de la bourse américaine.
En hausse de près de 5% depuis son lancement, ce certificat dynamique et diversifié (30 valeurs américaines et européennes) répond à nos attentes en termes de performance. Au-delà des fluctuations quotidiennes, ce thème d’investissement recèle un fort potentiel à moyen terme, puisque les perspectives de l’AI restent positives. La publication récente des résultats de NVIDIA nous semble démontrer la validité de cette hypothèse.
Au-delà d’ajustements mineurs, nous avons maintenu notre pondération en actions, qui a fluctué autour de son point neutre (45% dans un profil balancé) au cours de l’été.
En revanche, nous avons poursuivi notre politique de diversification hors du marché leader US, en renforçant les actions émergentes d’une part et en créant une exposition en titres nippons (ETF) dans nos allocations tactiques.
Ce choix découle de notre scénario de dépréciation complémentaire du dollar à moyen terme – un facteur de soutien pour les actifs émergents dans le passé – et de l’issue relativement favorable des négociations commerciales entre le Japon et les USA.
Tout cela dans un contexte où l’évaluation relative des titres américains reste onéreuse en comparaison internationale (P/E de 24x contre une moyenne de 19x pour les dix dernières années).
Au moment où nous écrivons ces lignes, la reprise du cycle de baisse des taux par la Réserve Fédérale est intégrée dans les cours des actifs risqués.
La politique monétaire US nous semble donc plus un risque qu’un soutien pour les bourses à court terme, car celles-ci auraient de la peine à digérer un nouveau report de la baisse des taux d’intérêt aux Etats-Unis.
Avec une confirmation du ralentissement de la conjoncture domestique ces prochains mois, notre scénario repose sur un repli du loyer de l’argent US de 100 bp (au moins) d’ici le printemps 2026 avec un premier geste en septembre (-25bp).
L’atterrissage en douceur de l’activité outre-Atlantique reste le scénario le plus probable. Ce qui ne veut pas dire que des alternatives moins favorables (stagflation temporaire, récession) ne doivent plus être envisagées.
Il ne faut pas se voiler la face, les actions américaines « pricent » l’idée que l’économie US ne réservera pas de mauvaise surprise.
La stimulation fiscale et monétaire devrait permettre de limiter le fléchissement conjoncturel américain dans un premier temps, avant une amélioration modérée de la croissance en seconde partie de 2026. C’est sur ce scénario centrale que se fonde l’optimisme des investisseurs.
La matérialisation d’un telle évolution économique est indispensable pour permettre aux indices actions US de poursuivre leur ascension à horizon 12 mois. A priori, nous ne voyons pas de signes nous permettant de considérer que ces espoirs sont infondés.
Alors que la croissance européenne affiche des signes de légère amélioration (indices PMI, IFO allemand) et que la Banque Centrale Européenne a vraisemblablement achevé son processus de baisse des taux, le dollar devrait rester sous pression.
Malgré sa stabilisation récente, nous misons sur une dépréciation complémentaire du billet vert au cours des 6 prochains mois. Des niveaux de 1.20-1.22 contre Euro et 0.77 contre CHF nous semblent des objectifs réalistes.
La réaction de la devise helvétique à l’annonce d’un tarif US de 39% a été contenue dans son ampleur et dans le temps. Le choc initial passé, le Franc s’est stabilisé.
Des chiffres d’inflation un peu supérieurs aux attentes, en juillet, ont refroidi les attentes de certains sur le retour des taux d’intérêt négatifs en Suisse. La BNS n’avait d’ailleurs pas caché sa réticence à utiliser cette option, dès l’abaissement à 0% du loyer de l’argent en juin.
Nous recommandons toujours de faire une place au franc suisse dans une allocation monétaire diversifiée.
Le statut de valeur refuge du Franc n’est pas remis en cause par son comportement récent, dans un environnement international incertain. La paire Euro/CHF devrait évoluer dans des marges de 0.92-0.95 d’ici la fin de 2025.
En revanche, un retour rapide sur les 0.90 contre Euro, que nous avions envisagé précédemment, nous semble moins probable à brève échéance, en raison des conséquences économiques incertaines, induites par la dégradation des relations commerciales avec les USA.
Si l’or a consolidé depuis mai, maintenir une surpondération sur cet actif reste d’actualité.
Le repli attendu des taux d’intérêt US devrait favoriser une nouvelle phase haussière de l’or à 6-12 mois.
Nous avons fixé un objectif de cours de USD 3700-3800 pour 2026. D’autant plus, qu’une probable accélération de l’inflation US à court terme devrait réduire le coût d’opportunité (taux d’intérêt réel) de la détention du métal jaune.
Sur le front obligataire, notre stratégie de surpondération de la dette d’entreprise au détriment des obligations souveraine a été maintenue. En outre, nous avons légèrement accru notre allocation aux obligations au détriment du cash en cours de période.
La récente nouvelle réduction de l’écart de rémunération des emprunts d’entreprise par rapport à leur homologues d’Etat nous incite à réitérer le message de favoriser les débiteurs de meilleure qualité plutôt que les titres à haut rendement.
Parce que nous avons revu à la baisse les marges de fluctuations sur les rendements souverains US à 10 ans à 4.00-4.50% pour les prochains mois, il nous semble judicieux d’augmenter légèrement la duration moyenne des portefeuilles, en renforçant le segment 5-7 ans au détriment des échéances plus courtes (2-5 ans).
Les stratégies de valeur relative sur la dette, qui sont intégrées à nos allocations, sont toujours intéressantes.
Nous conservons une surpondération en produits alternatifs liquides (or, immobilier suisse, stratégies long/short actions) dans nos grilles d’investissement. Elles servent à nous prémunir contre un retour probable de la volatilité sur les marchés.
En conclusion, le bon comportement des actifs risqués au cours de l’été pourrait ouvrir la voie à une « légitime respiration » sur les bourses à court terme.
Les investisseurs ont aisément escaladé « le mur d’inquiétudes » qui marque la scène internationale au cours de l’été ; cependant, les doutes peuvent resurgir à tout moment. Nous ne courons pas après les actions sur les niveaux actuels.
Une expansion marquée des multiples de valorisation et l’intégration des baisses de taux d’intérêt US dans les cours boursiers sont susceptibles de favoriser une consolidation sur les marchés à brève échéance. Il s’agirait d’une saine digestion des récents gains boursiers.
A contrario, tant que les données économiques ne remettent pas en cause la possibilité d’un atterrissage en douceur de la conjoncture US, il n’y a pas urgence à se désengager des bourses.
Les premiers signes de rotation sectorielle en faveur des titres plus défensifs et/ou sur de la valeur ne doivent pas être ignorés. Nous conservons nos expositions sur ces titres, dont la performance a déçu dans la phase de hausse des marchés boursiers depuis mai 2025.
En fin de compte, malgré quelques signes moins favorables pour les actions, nous ne pensons pas que la tendance de fond sur les bourses soit menacée.
En écrivant ces lignes, nous sommes conscients que le contexte mondial a changé depuis le mois de janvier 2025. En revanche, les données économiques ne militent pas en faveur d’un risque significatif de récession de nature à provoquer une chute marquée des actions.
A cet égard, les « négociations » des derniers mois ont sensiblement réduit le risque de guerre commerciale, que les investisseurs avaient craint au printemps.
Que l’on penche en faveur de la théorie du pragmatisme ou pour celle (moins glorieuse) d’une lâche soumission aux desiderata de l’Oncle Sam, l’essentiel est bien que la choc d’un monde dirigé par le jeu des mesures de rétorsions s’est éloigné.
Eu outre, il est difficile de pointer vers un risque important sur la stabilité financière mondiale.
Les récessions et les fortes corrections boursières trouvent souvent leur origine dans des chocs financiers, à l’image des crises de surendettement comme celle de 2008, par exemple.
Certes, les interrogations sur l’avenir du dollar et/ou de la dette publique américaine demeurent légitimes, les évolutions récentes ont été plutôt rassurantes. Il est certain qu’une nouvelle flambée de doutes sur ces actifs devrait nous conduire à repenser nos vues. A cet égard, nous gardons un œil particulièrement attentif sur les développements concernant l’indépendance de la Réserve Fédérale.
L’environnement international « chaotique » que nous connaissons nécessite une attention de tous les instants. Nous ne nions pas la légitimé des interrogations sur la situation (géo)politique mondiale.
L’été a démontré que les investisseurs ont une forte capacité d’adaptation, surtout si l’économie américaine continue à éviter les affres de la récession.
Genève, le 28 août 2025