Donald Trump a-t-il rompu le charme ?
De prime abord, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les marchés financiers, jusqu’à ce que le Président américain « surprenne » les investisseurs avec l’introduction de tarifs sur les biens canadiens, mexicains et chinois.
Cette perception doit être relativisée !
D’abord parce que les premières semaines de 2025 n’ont pas été un long fleuve tranquille pour les marchés, justifiant nos craintes de voir la volatilité augmenter après une année 2024 calme sur ce front.
En fait, des mouvements erratiques, tant sur les obligations que sur les marchés actions, ont largement caractérisé le mois de janvier; les fortes fluctuations sur les taux à dix ans US ayant « dicté la musique » pour l’ensemble des actifs financiers depuis le 1er janvier.
C’est bien la publication de chiffres d’inflation US de « bonne facture » pour décembre qui a facilité une détente des rendements et de nouveaux records sur l’indice phare des valeurs US (S&P500) durant la seconde quinzaine du mois.
Ensuite, la question des tarifs n’a pas surgi du néant; ce thème n’a pas quitté l’esprit des investisseurs depuis la réélection de D. Trump.
Le problème est ailleurs, à savoir dans l’incapacité des opérateurs à « lire » les signaux envoyés par le locataire de la Maison Blanche. Parce qu’ils avaient trop rapidement misé sur la volonté de modération de D. Trump en la matière, les investisseurs ont été pris à contre-pied par les annonces récentes qui ont douché les espoirs d’un second mandat « assagi ».
La question des tarifs et celle plus générale du timing de la mise en œuvre du programme économique de D. Trump nous préoccupent depuis plusieurs mois (voir Le Market Insight de décembre). L’option choisie de mettre sur le tapis aussi rapidement le problème commercial peut se révéler un choix dangereux pour l’économie réelle et pour le sentiment des investisseurs.

« Une saine gestion induit de ne pas nous exposer de manière exagérée au risque des actions. »
FRANÇOIS SAVARY, CHIEF INVESTMENT OFFICER GENVIL SA
D’abord, parce que les effets de ces mesures pour le consommateur américain, principal soutien à la conjoncture domestique, pourraient être négatifs (ce que D. Trump lui-même a reconnu) à court terme, tant en termes de pouvoir d’achat qu’en raison du risque inflationniste qu’elles induisent.
Ensuite, parce que le Président n’a pas encore la certitude de pouvoir, malgré ses affirmations, parvenir à convaincre le Congrès de voter la réduction des impôts qu’il a promise durant sa compagne et qui est un clé importante de son programme de renforcement de l’économie américaine à moyen terme.
Enfin, parce que cette politique « agressive », que certains assimilent à une volonté d’entrer en position de force dans une négociation avec les parties concernées et non comme une mesure définitive, peut faire entrer le monde dans une ère de guerre commerciale ; une perspective dont nul ne connaît l’issue mais dont chacun peut redouter les conséquences néfastes pour l’activité à brève échéance.
« Le métal jaune ne cesse pas de nous procurer des sources de satisfaction. »
Le regain de volatilité sur les marchés, particulièrement sur les actions, est donc totalement logique dans le contexte incertain qui s’est renforcé depuis quelques mois.
Ajouter des interrogations sur la croissance économique et bénéficiaire à court terme, alors que les investisseurs naviguent déjà à vue sur la conduite de la politique monétaire et sur le comportement des taux longs américains pour les prochains mois, renforce notre conviction que nous n’échapperons pas à une volatilité renforcée sur les marchés en 2025.
C’est d’autant plus vrai que le « choc » Deepseek nourrit des interrogations sur l’exceptionnalisme américain et surtout sur le risque de surinvestissement des « 7 Magnifiques » dans les infrastructures de l’intelligence artificielle.
Tout cela pour dire que nous ne considérons pas que les conditions actuelles soient propices à l’addition de risque dans les portefeuilles.
Dans la logique de notre message du mois dernier, qui mettait en exergue notre volonté de gérer au plus près la volatilité des marchés en 2025, nous ne pensons pas que les développements récents ont ouvert la voie à des achats d’actions sur faiblesse.
Sans recommander une position défensive sur les bourses, nous réaffirmons notre conseil de ne pas s’exposer exagérément sur celles-ci, dont l’évaluation est peu attrayante, aux Etats-Unis en particulier.
Sur un plan régional, nous indiquions le mois dernier notre volonté de saisir des opportunités sur les titres européens. Nous avons agi dans ce sens au cours des dernières semaines.
La surperformance des bourses européennes en janvier constitue donc une source de satisfaction. Cependant, l’Europe a tout à craindre des foudres tarifaires américaines, qui finiront par l’atteindre.
Dès lors, une poursuite du mouvement de surperformance des titres européens nous semble moins probable, tant que nous n’aurons pas plus de visibilité sur les décisions commerciales de l’oncle Sam à l’encontre du Vieux Continent.
Dans un environnement où les tensions commerciales ont tendance à soutenir la devise américaine, nous recommandons de limiter l’exposition aux actions émergentes, qui auraient tout à perdre d’un ralentissement de la croissance mondiale et d’un renforcement du risque inflationniste ; en effet, une inflexion stagflationniste pourrait encore contraindre la marge de manœuvre de la Réserve Fédérale dans la gestion de sa politique monétaire.
Sur le front obligataire, nous n’écartons toujours pas la possibilité d’un test des 5% sur le 10 ans USD. Les salves protectionnistes de l’administration Trump, si elles devaient être confirmées, nous semble accroitre la probabilité d’un tel développement.
Nous n’avons donc pas augmenté la duration des portefeuilles depuis notre dernière publication et ce malgré un premier test de la zone des 4.80% sur les rendements souverains américains.
Au vu des caractéristiques de la courbe des taux et face au renforcement des incertitudes économiques induites par les mesures commerciales US, nous maintenons une stratégie de duration courte sur les actifs à revenus fixes.
Sur le front des devises, nos objectifs sur le dollar, revus le mois dernier, restent d’actualité. Un test de la parité sur le taux Euro/USD est possible au cours des prochains mois. Cependant, nous conservons notre vue qu’il sera opportun de réduire l’exposition longue dollar dans une optique à fin 2025 si la devise US devait se rapprocher des niveaux susmentionnés à brève échéance.
Malgré sa consolidation récente contre Euro, le Franc suisse demeure une option d’investissement intéressante face aux incertitudes croissantes et dans la perspective d’une volatilité plus élevée sur les marchés financiers.
Conserver une bonne exposition sur la devise helvétique nous semble un choix judicieux.
Enfin, le métal jaune ne cesse de nous procurer des source de satisfaction. Au-delà des phases de consolidation temporaire, les cours de l’or sont clairement dans une tendance haussière, que l’excellente performance (7%) du mois de janvier n’a fait que renforcer.
Voici plusieurs mois que nous avons fixé un objectif de USD 3000 pour l’or en 2025. Nous nous en approchons, mais le climat actuel, propice à la recherche de valeur refuge, ne devrait pas se démentir.
Nous conservons des positions importantes en or dans notre stratégie de placement. Nous n’altérons pas notre objectif de cours en l’état.
En conclusion, garder notre calme dans le contexte des mouvements erratiques du mois de janvier s’est avéré une bonne option pour la performance de nos stratégies, qui s’affichent clairement en territoire positif.
Les premières mesures tarifaires de D. Trump ont-elles rompu le charme du « bull market » des 24 derniers mois ? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre de manière absolue.
En revanche, il apparait légitime de considérer que la décision d’engager la mise en œuvre de son plan de « redressement de l’Amérique » sur le front de l’immigration illégale et de la politique commerciale démontre qu’à l’instar de Margareth Thatcher en son temps, D. Trump n’entend pas renier les engagements pris durant sa campagne ! Il faut conserver cela à l’esprit.
Ce faisant, le locataire de la Maison Blanche n’a fait qu’ajouter au climat incertain qui prévalait depuis quelques mois (politique monétaire, taux d’équilibre des rendements longs US, capacité de l’évaluation des actions à se maintenir, géopolitique).
En soufflant le chaud et le froid sur la politique commerciale, le leader américain a nourri les interrogations sur un facteur clé pour les perspectives des actions en 2025, celui de la croissance économique et bénéficiaire.
Parce que les investisseurs en étaient venu a considéré le scenario de soft landing comme une évidence et une croissance des bénéfices à deux chiffres comme acquise, le choc des annonces tarifaires ne pouvait pas être sans conséquence.
Nos objectifs sur l’indice phare de la cote US (S&P500) se veulent raisonnables (6450) face à un consensus nettement plus optimiste. Les développements récents ne nous incitent pas à les revoir à la hausse.
Le mois dernier nous avions mis en exergue la nécessité de gérer la volatilité en 2025. Les premières semaines de l’année ont constitué un test grandeur nature de ce que cela signifie, avec un corollaire : savoir garder son calme et ne pas agir de manière intempestive.
L’environnement économique et financier n’a pas gagné en visibilité tant en raison du choc Deepseek d’une part que des développements commerciaux (potentiels ?) de l’autre.
Les obligations seraient les plus à risque en cas d’évolution stagflationniste de la conjoncture mondiale, ce qui justifie notre biais prudent sur cette classe d’actifs.
Trouver des véhicules de décorrélation et/ou des valeurs refuge (or) est toujours une bonne option dans une politique de placement. Nous surpondérons ces investissements dans notre allocation d’actifs.
Enfin une « saine » gestion des risques nous conduit à ne pas nous exposer de manière exagérée au risque des actions.
Le choc des annonces protectionnistes de D. Trump ne nous a pas surpris outre mesure. Il serait erroné de dire qu’elles ont rompu le charme du marché haussier sur les actions.
Il s’agit d’un coup de semonce qui doit inciter à rester vigilant, flexible et, surtout, à ne pas tirer des plans sur la comète en ce qui concerne le potentiel des bourses en 2025.
D’ailleurs, il ne faudrait pas que les menaces tarifaires nous fasse ignorer le choc Deepseek, porteur de conséquences structurelles potentiellement importantes pour l’avenir de l’intelligence artificielle ; de plus, il est de nature à remettre en cause la capacité des 7 Magnifiques à pousser inlassablement le marché des actions à la hausse.
Diversifier son exposition en actions US d’une approche pondérée par la capitalisation boursière vers une démarche davantage équipondérée faisait déjà partie de nos options tactique, tout comme celle de renforcer le segment des moyennes et petites capitalisations (plus orientées sur le marché domestique).
Nous réitérons ces choix à la lumière des développements de janvier sur les marchés.
Genève, le 5 février 2025