Les métaux précieux ont le vent en poupe et cela pourrait durer
Le mois de septembre a offert des satisfactions aux investisseurs qui ont maintenu leurs placements sur les marchés boursiers, même si la progression des indices a connu un temps d’arrêt en fin de période.
Les bourses ont donc défié le traditionnel effet saisonnier négatif de septembre, avec une hausse de près de 3% de l’indice MSCI All countries en dollar.
Cependant, les vraies vedettes des dernières semaines sont bien les métaux précieux, l’or et l’argent en particulier.
Nous mentionnions, le mois dernier, nos attentes de hausse complémentaire du métal jaune à moyen terme. Le mouvement marqué et rapide de l’once vers notre objectif de USD 3800 nous a quelque peu surpris. En revanche, il ne remet pas en cause notre attachement à une surpondération de l’or dans nos allocations.
La reprise du processus d’assouplissement monétaire aux Etats-Unis, les doutes sur l’indépendance de la Réserve Fédérale (affaire Cook), un climat géopolitique incertain et des craintes renforcées à l’égard du dollar à moyen terme se sont conjugués pour nourrir le statut de valeur refuge de la « relique barbare » au mois de septembre.
De nouveaux achats de la part des Banques Centrales et une reprise des flux d’investissement privés (ETF) n’ont fait que renforcer les pressions haussières sur les cours de l’or.
Il faut bien reconnaître qu’il y a quelque chose de paradoxal à voir une valeur refuge progresser aussi fortement alors que, dans le même temps, les marchés boursiers prospèrent sous l’influence d’un scénario de « boucle d’or » pour l’économie.

« Notre attachement à une surpondération de l’or demeure intact. »
FRANÇOIS SAVARY, CHIEF INVESTMENT OFFICER GENVIL SA
Les récentes perspectives de l’OCDE ont renforcé l’idée que la conjoncture mondiale serait engagée sur la voie d’un atterrissage en douceur, à horizon fin 2026.
De fait, hormis des chiffres décevants sur le front de l’emploi, les données économiques US sont loin d’afficher un message négatif (PIB Q2 revu en hausse à 3.8%, solides ventes de détail et progression supérieure aux attentes des commandes de biens durables, par exemple).
La décision de la Fed d’abaisser le loyer de l’argent en septembre, qui devrait être suivie par des mouvements complémentaires d’ici le printemps (objectif sur les Fed Funds de 3%), devrait limiter tout fléchissement de la croissance outre-Atlantique au cours des prochains trimestres.
« Il y a quelque chose de paradoxal à voir l’or, actif refuge, et les actions, qui jouent le scénario de goldilocks pour l’économie, progresser de concert. »
Continuer à miser sur un « soft landing » de l’activité mondiale, comme scénario central (45%) de notre appréciation de la conjoncture, nous semble toujours légitime. De même, le risque de récession parait contenu (15%).
Ce dernier point est d’autant plus vrai que les données européennes pointent vers une légère amélioration, à l’image de l’indice composite PMI qui a atteint, en septembre, ses plus hauts niveaux depuis 16 mois.
Nous maintenons le cap sur le synopsis macroéconomique que nous défendons depuis plusieurs mois.
Si l’inflation reste une source d’interrogation, particulièrement aux USA, il faut reconnaître que la modération du marché de l’emploi américain limite le risque de dérapage durable sur ce front.
Nous conservons une probabilité de 20% sur une évolution stagflationniste de l’économie mondiale à moyen terme.
En effet, nous voulons nous assurer 1) que la tendance à de moindres créations d’emplois US et à des pressions salariales contenues se confirme et 2) que la politique de compression des marges, que les entreprises américaines ont adoptée, dans le sillage des nouveaux tarifs, n’est pas remise en cause, avant de revoir cette probabilité à la baisse.
Un climat conjoncturel satisfaisant et le support d’un nouveau round de baisse des taux aux USA constituent, a priori, un environnement favorable pour les actifs risqués, spécialement les actions.
Ces éléments semblent toutefois largement intégrés dans les cours boursiers. Nous ne changeons pas d’opinion à ce sujet !
Nous avons conservé nos expositions en actions au cours des dernières semaines, conformément à ce que nous annoncions le mois dernier.
L’évaluation onéreuse de certains marchés et de certains segments de la cote ne peut pas être niée.
Elle pourrait justifier un mouvement de consolidation à court terme. Néanmoins, les conditions d’une correction importante des marchés ne sont pas remplies, selon nous.
Dans ce contexte, le début prochain (10 octobre) de la saison des bénéfices aux USA sera un facteur important pour les opérateurs de marché et le comportements des actions.
Si les attentes (croissance de 7.1% des EPS Y/Y) restent positives, elles n’en sont pas moins les plus faibles depuis le premier trimestre 2024. Un constat qui ne laisse guère de place aux déceptions, compte tenu du niveau du P/E prospectif de l’indice S&P 500, à presque 23x.
De plus, une attention particulière sera portée aux données fournies par les 7 Magnifiques, dans un contexte où certains investisseurs s’interrogent sur l’annonce récente de l’accord entre OpenAI et NVIDIA (investissement financier contre engagements d’achats physiques).
D’aucuns craignent que ce « partenariat » préfigure une forme de circularité dangereuse, à l’image de ce qui était survenu lors de la bulle internet.
L’introduction d’un investissement en actions nippones et le renforcement de l’exposition aux marchés émergents, le mois dernier, nous donnent satisfaction.
De la même manière, notre thématique sur l’énergie, en hausse de plus de 8% depuis le lancement en juillet, offre une performance de bonne qualité.
Nous maintenons le cap de notre allocation en actions pour les prochaines semaines.
Notre exposition demeure raisonnable et logique, au regard d’un risque de consolidation (temporaire) des gains récents à court terme.
Notre politique de diversification régionale n’est pas remise en cause, tant en Europe que sur les pays émergents ou le Japon.
A cet égard, notre scénario de dépréciation complémentaire de la devise américaine à horizon mi-2026, semble renforcer l’attrait des actions émergentes, asiatiques en particulier.
Nous pourrions être amenés à renforcer le biais émergents dans notre exposition actions au cours des prochaines semaines.
De la même manière, des investissements en actions de petites et moyennes capitalisations européennes pourraient être engagés, en raison de nos vues sur le dollar, tout au moins en partie.
Le mois dernier, nous avions fixé un objectif de 1.20-122 sur la parité Euro/USD à horizon 6 mois.
Dans le sillage de la reprise du processus d’assouplissement monétaire aux USA et de nos vues d’un repli plus marqué des taux d’ci le printemps 2026 (-125 points de base désormais), nous envisageons un retour du dollar à 1.25 contre Euro d’ici le milieu de 2026. Dès lors, le franc suisse pourrait atteindre la zone des 0.75 contre le billet vert.
Nous recommandons de maintenir une bonne exposition hors de la devise de l’Oncle Sam (ou de limiter les postions USD dans des comptes dont la base monétaire est européenne).
Les évolutions fondamentales (différentiel de taux d’intérêt et évolution conjoncturelle) sous-tendent nos vues sur le dollar.
En outre, la satisfaction de l’administration américaine de pouvoir compter sur une devise plus faible, la politique de diversification des réserves par les Banques Centrales et les craintes sur l’indépendance de la Fed devraient soutenir le mouvement.
A noter que s’il a moins profité que d’autres monnaies de la faiblesse du dollar depuis le début de l’année, le Yen pourrait tirer son épingle du jeu d’ici la fin du premier semestre 2026.
Notre vue positive sur le métal jaune nous a conduit à renforcer sa surpondération dans nos grilles de placement au cours des dernières semaines.
Malgré une progression de plus de 45% (en USD) depuis le 1er janvier, l’or devrait profiter de la réduction de son coût d’opportunité à moyen terme, d’une inflation qui n’est pas totalement sous contrôle aux USA et d’une défiance à l’encontre de la monnaie de l’Oncle Sam.
Nous avons révisé notre objectif à USD 4000 l’once pour les 12 à 15 prochains mois.
Nous recommandons de laisser courir les profits sur le métal jaune, d’autant plus qu’il pourrait bénéficier d’un retour de la volatilité sur les marchés boursiers, le cas échéant.
Notre position sur le segment obligataire de nos allocations n’a pas varié au cours du mois écoulé. Privilégier le crédit tout en renforçant la gestion du risque d’un portefeuille obligataire reste notre message principal.
Nous travaillons sur l’introduction possible d’un investissement dédié sur la dette émergente au cours des prochaines semaines.
En conclusion, nos allocations ont profité d’une poursuite du bon comportement des actifs en septembre, les actions et l’or en particulier.
Sans nier que les risques de consolidation sur les actions existent, nous défendons l’idée que le temps d’une inversion durable de la tendance haussière n’est pas encore venu.
Cependant, des évaluations onéreuses et l’approche imminente de la saison des bénéfices ne nous incitent pas à renforcer les expositions sur les niveaux actuels.
Une exposition de 45-48% en actions dans un profil balancé (25%-30% dans un compte conservateur) nous semble adéquate pour faire face aux conditions économiques et financières que nous envisageons pour les 3 à 6 prochains mois.
Nous conservons une surpondération en actifs alternatifs liquides, or compris, pour faire face au possible rebond de la volatilité sur les marchés d’une part et comme substitut partiel à des positions longues en obligations, de l’autre.
Au moment où nous écrivons ces lignes, l’incertitude sur un probable « shutdown » du gouvernement US est entière, face aux difficultés de parvenir à un compromis bipartisan pour adopter un plan de financement de l’Etat.
L’or tire, une nouvelle fois, avantage de ces développements, qui posent, en filigrane, la question des perspectives sur le dollar à long terme.
L’Amérique n’en est pas à sa première expérience de ce type et les exemples passés ont démontré que l’impact des « shutdown » est relativement limité tant pour l’économie que pour les marchés financiers.
Cette menace pourrait nourrir la consolidation que nous attendons mais elle ne nous semble pas de nature à favoriser une retournement durable de la tendance haussière des actions.
Nous observerons donc attentivement les évolutions sur ce front, tout en étant convaincus que, quelle que soit l’issue, le métal jaune n’a pas achevé sa progression.
Genève, le 30 septembre 2025