Le premier semestre n’a pas été de tout repos et le second demeure grevé de nombreuses incertitudes !
Si l’on se remémore le positionnement des investisseurs en début d’année, le repli du dollar depuis six mois doit être caractérisé de surprise. En ce qui nous concerne, ce mouvement est une source de satisfaction, compte tenu de notre vue négative sur le billet vert depuis plusieurs trimestres.
Cependant, même si nous avions réduit notre exposition à la devise de l’Oncle Sam dans les comptes dont la monnaie de référence est l’Euro ou le CHF, l’évolution du billet vert nous a coûté en termes de performance ; a contrario les comptes de référence USD ont tiré avantage de notre recommandation de diversifier les placements sur les monnaies européennes.
Cette remarque n’est pas une justification mais il est nécessaire de l’avoir à l’esprit pour juger des performances des actifs financiers et des portefeuilles depuis le 1er janvier.
Ainsi, si l’indice global des actions en dollar progresse de plus de 7% sur la période, ses homologues libellés en Euro ou en CHF s’affichent en repli de plus ou moins 4% dans le même temps.
La situation n’est guère plus enviable sur le front obligataire global (dette souveraine et d’entreprise). Si l’investisseur dollar a pu engranger une performance de 7% en six mois, convertie en Euro celle-ci est négative de 7% !
On voit que les conséquences de la « surprenante » faiblesse du billet vert ne sont pas anodines.
Au-delà des fondamentaux économiques (ralentissement de la conjoncture et doutes sur la pérennité de la désinflation outre-Atlantique), une cause importante de la faiblesse du dollar est à rechercher dans la théorie de la « fin de l’exceptionnalisme américain ».

« L’énergie nous semble un thème intéressant à moyen terme. »
FRANÇOIS SAVARY, CHIEF INVESTMENT OFFICER GENVIL SA
Le climat chaotique sur le front commercial, les perspectives d’une loi budgétaire qui montre un mépris évident et assumé pour la gestion des finances publiques à moyen terme ou encore des mouvements erratiques de la nouvelle administration US ont alimenté la défiance (durable) à l’encontre de la devise états-unienne.
De quoi satisfaire Steffen Miran (conseiller de D. Trump) et ses théories économiques pour le moins « étranges ». Attention néanmoins de ne pas jouer aux apprentis sorciers en « ouvrant la boîte de Pandore » du jeu sur les monnaies, dont l’économie et les marchés financiers n’ont pas forcément tiré avantage par le passé.
Garder un œil vigilant sur le comportement du billet vert reste une priorité importante pour les prochains mois, après un repli de plus de 10% contre les autres devises depuis le 1er janvier !
Le comportement du dollar n’aura été que l’un des défis que nous avons dû relever au cours des deux derniers trimestres.
Le jeu des pression-concession des derniers mois aurait pu déboucher sur des résultats nettement moins satisfaisants que ce qui est advenu.
On pourrait y ajouter en vrac : la forte progression du métal jaune (sur lequel nous restons surexposés), la volatilité sur les obligations (notre sous-pondération sur la dette souveraine au profit du crédit reste d’actualité) et, last but not least, les chocs sur les actions en cours de période (dont nous n’avons pas su tirer pleinement avantage) ont constitué des développements qui ont requis une attention de chaque instant.
Sans parler des phénomènes géopolitiques qui ont mis les nerfs de chacun à rude épreuve, en fin de période plus particulièrement !
En un mot comme en cent, le premier semestre 2025 a offert de nombreuses « surprises », qui ne disparaitront pas avec l’arrivée de l’été. Pour rappel, la « big beautiful bill » de D. Trump doit encore être approuvée par le Congrès et la trêve commerciale prendra fin (définitivement ou non) le 9 juillet.
Au terme du premier semestre 2025, la visibilité sur le cycle économique et financier reste limitée, même si l’on peut considérer que la probabilité d’un « choc majeur » (récession) est en repli. Une nouvelle preuve par les faits que si le pire est possible, il n’est pas forcément probable.
La situation internationale demeure néanmoins fluide et il y a fort à parier que les 6 prochains mois ne seront pas exempts d’autres développements inattendus, dans un contexte général où les investisseurs ont clairement adopté une attitude « risk on » depuis quelques semaines.
Avons-nous pêché par excès de prudence au cours des derniers mois ? On peut le penser même si nous considérons que la gestion des risques qui nous anime explique partiellement nos décisions face aux imprévus qui ont marqué les derniers mois.
Nous ne reviendrons pas sur les décisions correctes que nous avons pu prendre depuis le 1er janvier.
Par contre, nous avons effectivement un regret à l’aube de la période estivale, celui de ne pas avoir osé prendre plus de risque sur les actions dans la phase de correction d’avril.
Nous ne sommes pas pour autant restés inactifs sur ce segment de notre allocation, puisque nous avons créé des positions sur les actions indiennes et les titres émergents en général au second trimestre.
En effet, ces marchés devraient tirer avantage d’une faiblesse persistante de la devise américaine (nos objectifs pour la fin de l’année ont été revus à 1,20-1.22 contre Euro et 0.77 contre CHF), dans un cadre macroéconomique global où nous avons réduit la probabilité d’une récession aux USA à 15% et celui d’une stagflation temporaire à 25%.
A cet égard, nous avons introduit un scénario de réaccélération de la croissance US en 2026 (probabilité de 15%), sous l’effet de la baisse des impôts qui devrait être entérinée par le Congrès et d’un assouplissement monétaire de la Fed à partir de l’automne.
Autre ajustement récent de notre exposition sur les actions, nous avons introduit un investissement diversifié et dynamique sur le thème de l’énergie. Ce faisant nous souhaitons participer à la hausse de la demande que les développements sur l’AI, les phénomènes de relocalisation industrielle, le changement climatique et les impératifs de sécurité énergétique devraient soutenir.
Ainsi, nous terminons le semestre avec une surexposition sur les marchés boursiers dans nos grilles d’investissement, particulièrement pour les profils équilibré et croissance. En outre, nos derniers ajustements ont augmenté le biais cyclique sectoriel de nos allocations.
Les évolutions de changes que nous mentionnons précédemment et une forme de réveil européen face aux défis que pose le nouvel ordre mondial nous conduisent à maintenir notre biais en faveur des actions européennes, sur le plan géographique. En outre, l’évaluation relative des titres nous semble toujours un facteur de soutien pour les valeurs du Vieux Continent.
Sur le front des notre stratégie obligataire, nous ne nous sommes pas départis de notre politique de surexposition au risque de crédit au dépend de la dette souveraine, depuis le début de l’année.
Nous ne voyons aucune raison de remettre en cause ce postulat, d’autant plus si le fléchissement de la conjoncture US se révèle temporaire et si l’inflation se redresse d’ici la fin de l’année.
Parce que les écarts de rémunération entre les dettes d’entreprise et leurs homologues souveraines se sont réduits, nous avons décidé de diminuer quelque peu notre exposition sur les créances à haut rendement au cours des dernières semaines.
Cette décision n’altère pas la recommandation – répétée au cours des derniers mois – de contrôler la duration globale des portefeuilles obligataires.
Notre choix récent de réduire l’exposition au risque obligataire à haut rendement doit être mis en relation avec celui relatif à l’augmentation de notre pondération sur les marchés boursiers. Une saine gestion des risques, à notre avis.
Au total, nous terminons le premier semestre avec un positionnement qui privilégie les actions et les alternatifs liquides (or compris) au détriment du cash et des obligations. Ce constat est particulièrement vrai pour les profils équilibré et croissance.
Quelle que soit la manière d’apprécier les développements économiques, politiques et financiers du premier semestre 2025, il nous semble raisonnable de penser que nous sommes entrés dans un monde différent.
Les défis auxquels l’économie mondiale est confrontée (à tous les niveaux) n’ont certes pas changé radicalement depuis le 1er janvier ; cependant, c’est bien la manière de les résoudre qui a pris un tournant marqué.
Moins de coopération et plus de confrontation, voilà ce qui semble caractériser la période dans laquelle nous sommes entrés. Certains vont d’ailleurs plus loin en parlant de l’émergence d’un « grand désordre mondial ».
Le jeu des pressions-concessions (avec des degrés de dangerosité divers) des derniers mois aurait pu déboucher sur des résultats nettement moins satisfaisants que ce qui est advenu.
Tant mieux mais il ne faut pas se le cacher ! De plus, il ne faut pas se montrer naïf : cette « nouvelle » donne dans les rapports intra et interétatiques devrait continuer à impacter les prochains mois.
Notre volonté de ne jamais perdre de vue le besoin de préserver le capital de nos clients nous a fait « rater » des opportunités au cours des deniers mois, nous ne le nions pas. Nous sommes cependant convaincus que la situation globale est loin de justifier un relâchement de la vigilance à moyen terme.
Après des mois souvent marqués par le stress, les réflexions et les hésitations sur le cours à donner à une allocation d’actifs, il faut bien reconnaitre que nous accueillons avec soulagement une pause estivale bien méritée.
Nous vous souhaitons donc un bel été, en espérant que les marchés nous laisserons profiter du soleil, qu’il soit urbain, montagnard ou marin.
Pour ceux qui souhaitent coupler le « fa niente » et la lecture, nous vous recommandons deux livres qui nous ont intéressés et qui ne sont pas sans rapport avec ces lignes.
D’abord «Un secret si bien gardé» de Annne Lauvergeon qui nous plonge dans la question énergétique, nucléaire en particulier ; ensuite, « La guerre mondiale n’aura pas lieu» de Frédéric Encel, qui nous offre des pistes de réflexion sur La question géopolitique qui anime désormais tous les esprits.
Genève, le 1 juillet 2025