Des doutes s’expriment sur la croissance au pays de l’Oncle Sam. Les actions en font les frais !
Une détente de 30 points de base sur le rendement américain à 10 ans en quelques jours n’est pas une chose commune !
Nous devons immédiatement reconnaître que nous n’étions pas positionnés pour profiter d’un tel développement, au regard de notre choix, réaffirmé fin janvier, de ne pas augmenter la duration de nos portefeuilles obligataires.
Les attentes des investisseurs sur les perspectives de baisse des taux par la Réserve Fédérale, qui se sont renforcées au cours des dernières semaines (2 baisses sont désormais dans les cours pour 2025), démontrent les interrogations sur un fléchissement possible de la conjoncture américaine qui animent l’esprit des opérateurs.
Le mois dernier nous écrivions : « En soufflant le chaud et le froid sur la politique commerciale, le leader américain a nourri les interrogations sur un facteur clé pour les perspectives des actions en 2025, celui de la croissance économique et bénéficiaire. ».
Le moins que l’on puisse dire est que la situation ne s’est pas améliorée au cours des dernières semaines, puisque tout un chacun peut observer le caractère « disruptif » de la nouvelle administration américaine.
Au-delà du sentiment d’inconfort que l’on peut ressentir face au nouveau « désordre » international qui se met en place, les investisseurs sont en alerte.
A cet égard, force est de constater que certaines statistiques US ont récemment affiché des évolutions décevantes sur divers fronts (ventes de détail, confiance du consommateur, marché immobilier ou encore sentiment des entreprises – indice PMI des services).

« Chacun peut observer le caractère disruptif de la nouvelle administration américaine. »
FRANÇOIS SAVARY, CHIEF INVESTMENT OFFICER GENVIL SA
On comprend la plus grande fébrilité des investisseurs, sur la bourse américaine en particulier, qui a annulé toute sa progression de l’année (S&P500) en deux semaines.
Nous qui craignions que l’économie finisse par pâtir d’un activisme excessif de la nouvelle administration US, nous n’avons pas eu à attendre longtemps pour voir nos craintes se matérialiser, même si nous résistons à la tentation d’une conclusion hâtive sur l’avenir de la conjoncture américaine.
Dans un contexte global où nous restons attachés à nos vues :
- D’un accroissement tendanciel de la volatilité sur les actifs risqués,
- De la nécessité de gérer au mieux ce dernier en 2025 et
- D’un certain scepticisme sur le scénario de boucle d’or pour l’économie US,
« Il nous semble judicieux de ne pas se précipiter sur le trade de duration aux USA. »
L’accumulation des chiffres économiques en demi-teinte nous a conduit à agir sur notre allocation.
Plus précisément, nous avons opté pour une réduction de notre exposition en actions au milieu du mois de février au profit des liquidités en portefeuille. Nous avons engrangé des profits et ramener notre position en actions à un point neutre.
Cet ajustement tactique doit se comprendre à la lumière
- De la solide performance des actions depuis le début de l’année, en Europe spécialement
- D’une évaluation des bourses qui ne laisse guère de place à des déceptions
- D’un environnement géopolitique qui ne brille pas par sa lisibilité.
Il ne s’agit pas d’un désaveu durable pour les actifs risqués mais davantage d’une volonté de gérer les risques et d’être logique au regard de nos objectifs raisonnables sur les indices pour la fin 2025 (S&P500 6450).
Le cash pourra être réinvesti ultérieurement, lorsque des opportunités apparaitront.
Malgré des prises de profits en fin de mois, l’or a poursuivi sur sa lancée du début d’année. Il affiche ainsi une performance absolue et relative remarquable. Nous conservons notre biais stratégique en faveur du métal jaune.
Si les perspectives d’un cessez le feu sur le front ukrainien se sont améliorées au cours des dernières semaines, nous ne sommes pas convaincus que le climat géopolitique ait gagné en visibilité.
En outre, la victoire de la CDU aux élections allemandes ne doit pas conduire à ignorer la poussée des extrêmes, à l’image de ce que les résultats électoraux récents ont amené à l’échelle internationale.
Un système international instable, couplé à des paysages politiques internes fracturés, voilà qui justifie amplement de conserver notre objectif de USD 3000 sur l’once d’or pour les prochains mois ; une extension sur les 3100 semble même possible et nous modifions notre objectif 2025 dans ce sens.
Une visibilité économique qui tend à se réduire en raison des évolutions américaines (voir supra) et un dollar US qui peine à trouver un nouvel élan haussier devraient favoriser une hausse complémentaire de l’or.
Toute extension de la consolidation récente de la relique barbare vers les USD 2800 est une opportunité d’achat pour les investisseurs à la recherche d’un point d’entrée.
Sur le front des devises, le dollar semble bien campé dans les marges de 1.00-1.05. que nous avions définies pour le premier trimestre 2025. Nous conservons notre vue d’une dépréciation de la devise de l’Oncle Sam en seconde partie d’année. Cette prévision pourrait même se matérialiser plus rapidement, si les chiffres économiques outre-Atlantique continuent à pointer dans le sens d’une modération « inattendue » de la conjoncture domestique.
Nous conseillons toujours de profiter des périodes de vigueur à court terme pour réduire l’exposition dollar des portefeuilles.
La publication de chiffres d’inflation core un peu plus forts qu’attendu en Suisse pour le mois de janvier ont permis de calmer les anticipations d’un retour à des taux d’intérêt négatifs sur le Franc.
Nous avions exprimé notre scepticisme à ce sujet et nous prenons acte de l’évolution du consensus dans le sens de nos vues. Nous conservons nos objectifs sur la paire EUR/CHF à 0.92 voire 0.90 à horizon fin 2025.
Dans un environnement où les valeurs refuge demeurent recherchées, une bonne exposition sur le Franc semble toujours opportun, sur les actions en particulier et/ou l’immobilier.
Alors que les investisseurs sont plus craintifs à l’égard d’actifs risqués, le marché boursier suisse offre des valeurs défensives et financières qui nous semblent avoir toute leur place dans un portefeuille diversifié.
D’une manière générale, notre volonté de diversifier nos expositions hors des actions US et du thème de l’intelligence artificielle nous a conduit à saisir des opportunités sur les valeurs helvétiques au cours des derniers mois. Nous maintenons le cap.
Sans coup férir, le Yen a progressé de quelques 5% contre le dollar depuis le 10 janvier. Cette appréciation doit beaucoup au renforcement des anticipations de hausse des taux par la BoJ en 2025, dans le sillage de chiffres économiques de bonne qualité et, pour ne pas dire surtout, de craintes inflationnistes. Le défi de l’autorité monétaire : ne pas « casser » la mécanique de sortie de la déflation tout en évitant un dérapage inopportun des prix à court terme.
Nous misons toujours sur deux hausses de taux en 2025 et l’atteinte de la zone des 140 sur le USD/JPY nous semble un objectif crédible au cours des prochains mois.
Nous l’avons mentionné en introduction, nous avons raté la détente des taux longs US qui s’est accélérée au cours des dernières semaines.
Si notre choix (erroné) sur la duration constitue un « coût d’opportunité » pour la performance, le bon comportement des actifs à revenus fixes, le crédit en particulier, a profité à nos portefeuilles. Nous maintenons le cap de notre stratégie obligataire, fondée sur 1) une surexposition aux dettes d’entreprises et 2) une duration modérée.
Parce que la question des conséquences inflationnistes des mesures tarifaires reste entière et parce que les finances publiques US ne cessent de se dégrader, les rendements souverains USD à dix ans n’offrent pas une prime suffisante pour justifier la prise de risque. En d’autres termes, il nous semble judicieux de ne pas se précipiter sur le trade de duration.
Ce point est d’autant plus vrai que le compromis qui se dessine sur le budget américain est fragile. Alors que le déficit ne cesse pas de se creuser sous le poids du paiement des intérêts sur la dette, l’entrée dans le vif du sujet, surtout sur le front de la réduction des dépenses pour financer une baisse des impôts, promet des négociations compliquées.
Nous demeurons sous-exposés sur la dette souveraine au profit du crédit, compte tenu de la dégradation des finances publiques dans les principaux pays développés.
En conclusion, février n’a pas été très différent du mois précédent, les investisseurs faisant preuve d’une certaine fébrilité à l’égard des actions, dans le sillage d’une saison des bénéfices qui s’est révélée de bonne facture mais avec des prévisions prudentes de la majorité des entreprises.
D’ailleurs, l’accélération de la tendance haussière sur le métal jaune et la correction engagée sur les « cryptos » symbolisent parfaitement cette volonté des investisseurs de gérer le risque. Un choix que nous partageons.
Malgré leur reprise en février, les trades de duration, que certains voient comme une option de repli défensif sur les marchés, doivent être considérés avec circonspection.
Nous avons initié 2025 avec un renforcement de notre exposition aux actions européennes au détriment de leurs homologues US. Ce choix tactique s’est révélé payant en février avec une surperformance européenne (de l’ordre de 4%).
Alors que le mois de février restera comme celui de l’accélération des défis pour le projet européen, nous maintenons ce choix tactique.
Quant à savoir, s’il faut être stratégiquement positionné dans ce sens, nous ne pouvons dire qu’une chose : nous ne sommes pas en mesure de faire un tel choix, en l’état.
Nous observerons avec la plus grande attention les mesures concrètes que le Vieux Continent sera en mesure de mettre en œuvre au cours des prochains mois !
Notre désir de diversifier notre exposition en actions US en réduisant le biais thématique sur l’intelligence artificielle s’est révélé payant au regard du meilleur comportement récent des valeurs plus défensives. De plus, la réduction des investissements passifs fondés sur la capitalisation boursière (environ 35% de technologie dans l’indice SP 500) au profit d’un ETF équipondéré, opéré fin 2024, est gagnant tant depuis le début de l’année que sur le mois de février.
Quant au choix de renforcer le segment des petites et moyennes capitalisations US au détriment des grandes, il n’est pas judicieux pour l’instant (sous-performance de 3%) en raison des développements du mois de février.
Nous ne changeons pas notre « fusil d’épaule » comme tenu de l’environnement commercial tendu à l’échelle internationale et en raison d’un environnement de taux longs qui constitue un soutien pour les petites et moyennes capitalisations.
D’ailleurs, pour mettre en accord nos paroles avec nos actes, nous sommes actuellement à la recherche d’un point d’entrée sur les petites et moyennes valeurs européennes, au travers d’un produit diversifié avec un style croissance.
Nous sommes convaincus depuis plusieurs mois que la gestion des risques sera prioritaire en 2025. Notre surexposition à l’or, au Franc suisse ou/et aux stratégies alternatives depuis le 1er janvier en sont la meilleure expression.
Février nous aura permis « d’enfoncer le clou » en revenant à une pondération neutre sur les actions et en renforçant les liquidités en portefeuille. La réduction relative des positions en valeurs technologiques au profit de segments plus défensifs exprime la même logique.
Ces choix tactiques ne remettent pas en cause notre idée que les actions ont une marge de progression à l’horizon de fin 2025.
Un caveat cependant, le potentiel de hausse devrait être plus limité et le chemin vers nos objectifs moins linéaire que lors des deux dernières années.
Dans ce contexte, le cash pourra être mis au travail lorsque les conditions nous sembleront remplies et en gardant à l’esprit que notre sous-pondération obligataire ne devrait pas être remise en cause.
Genève, le 1er mars 2025